Et comment est-ce que l’on décide ?

La fin de l’année approche. Ils sont 7 managers réunis dans un appartement loué pour l’occasion. “Retraite”, “séminaire’, ce qu’ils veulent c’est prendre du recul. Ils ont chacun en charge plusieurs équipes. Ils ont un certain nombre de challenges fixés par leur Direction et sont tous bien conscients que cela va impacter toute l’organisation. On parle de 200 personnes.
Je suis parmi eux ce jour. Pour les aider à tirer le maximum de valeur de ce temps d’équipe. Cette valeur viendra en partie des décisions qu’ils vont réussir à prendre. Et rapidement une question est posée : mais comment est-ce que l’on décide ?

Quelques éléments de réflexion

  • Si l’on se pose cette question “comment est-ce que l’on décide ?” c’est que l’on a le choix. Ce choix est une liberté. C’est déjà bien d’en avoir conscience. Le libre arbitre d’après Descartes. Pouvoir choisir entre un désir et un autre. Dans cette équipe, on a le choix d’opter pour un mode de décision ou un autre. Est-ce que l’on a toujours le choix ? Pour tout type de décision ? C’est peut-être la première question à se poser.

  • Il sera toujours plus facile pour une équipe de décider s’il y a possibilité d’échouer. Et savoir si l’on est dans une culture de l’échec comme source d’apprentissage n’est pas si évident. Posez-vous la question : est-ce que l’on a déjà pris une décision qui a mené à un échec et que s’est il passé ensuite ?

  • “Le talent le plus précieux que tu puisses développer, ce n'est pas toujours prendre de bonnes décisions : c'est de prendre rapidement des décisions, sans avoir toutes les informations.” Laure Jouteau ici s’adresse aux entrepreneures qu’elle accompagne mais cela a également du sens pour les équipes qui veulent suivre la cadence du monde qui les entoure, voire la devancer. Quand on prend trop de temps à décider, l’enjeu devient trop important, cela génère de l’inquiétude chez les personnes qui sentent que quelque chose qui va les impacter se trame. Et en attendant, on n’apprend rien.

  • Je vois beaucoup d’équipes qui prennent des décisions qui vont impacter des personnes absentes de la réflexion. C’est l’histoire du cochon et de la poule où la poule décide d’ouvrir un restaurant avec le cochon qui refuse, bien plus impacté par la décision que la poule elle-même. Vous pourrez vous congratuler d’avoir réussi à prendre une décision rapidement mais la mise en oeuvre et l’approbation risquent de prendre bien plus de temps que prévu, voire créer des dégâts.

Mais comment décider ?

Et maintenant que nous avons évoqué l’importance de prendre rapidement des décisions, comment fait-on ? Il existe différents protocoles. Certains restent encore à créer j’imagine.

Rechercher des signes (tarot, oracles, pendule, marc de café…)

Certains parleront de méthode du hasard. D’autres diront qu’il n’y a pas de hasard et que tout signe est bon à prendre pour aiguiller sa route. Personnellement j’y vois une façon de relâcher la pression autour de la décision à prendre, être attentif à des informations auxquelles on avait pas pensées, à prendre une solution simple face à une situation complexe. Une étude Oracle de 2018 explique que “les données ne sont pas vraiment d’une grande aide pour les dirigeants puisque la quasi-totalité des sondés s’estiment (99%) submergés par celles-ci.”
Le magasine de référence économique en Suisse, BILAN, dans un article de 2018, évoque le succès grandissant de ces pratiques dans la sphère professionnelle : “Dany Chapuis, qui tire les cartes depuis plus de trente ans à Genève, affirme que la moitié de sa clientèle est représentée par des chefs d’entreprise, des DRH, des patrons et des entrepreneurs.”

Le consensus
(latin consensus, accord)
J’ai remarqué que les équipes optent souvent pour ce protocole, mais sans se le dire vraiment. La décision n’est pas prise tant que l’ensemble des membres d’un groupe identifiés pour prendre la décision n’a pas validé la proposition. On cherche donc à mettre tout le monde d’accord. C’est un processus qui peut être long et la proposition finale, en voulant inclure les avis de tous, risque de devenir édulcorée.

Le consentement
Une personne d’un groupe formule une proposition. On invite chacun à demander clarification si besoin. La proposition est validée tant que personne n’émet d’opposition. Si une opposition est formulée, l’auteur doit exprimer une contre proposition pour qu’il y adhère. C’est différent du consensus dans le sens où l’on ne construit pas une proposition avec l’avis de chacun mais en s’assurant que personne n’est contre. Testez et vous verrez, vous n’obtiendrez pas la même chose si vous demandez “est-ce que tout le monde est d’accord ?” ou si vous demandez “est-ce que quelqu’un s’oppose à cette proposition ?”

Je rapproche la notion de consentement aux protocoles “Decider” et “Resolution” proposés par Jim et Michele MacCarty dans leur “core protocol”. L’expression de chacun se fait par un vote silencieux : je valide (pouce levé), je me range à l’avis général du groupe que je soutiens (pouce horizontal), je refuse la proposition (pouce vers le bas). Si l’auteur de la proposition refuse les ajustements proposés, la proposition est abandonnée.

C’est le protocole que l’on adopte notamment dans les réunions de triage en sociocratie.

La majorité

On se dit que si plus de la majorité des personnes est en phase avec la proposition, elle est validée.

Advice process

L’auteur de la proposition demande conseil aux personnes expertes ou concernées par le sujet qu’il peut ou ne pas suivre. C’est lui qui porte la responsabilité des conséquences de sa décision. Ce protocole est nommé comme tel dans “Reinventing Organizations'“ de Frédéric Laloux : “any person can make any decision after seeking advice from 1) everyone who will be meaningfully affected, and 2) people with expertise in the matter.”

Les pleins pouvoirs

“Aujourd’hui c’est Michel qui décide de tout ! “
Il m’est déjà arrivé, avec mon rôle de facilitateur, d’accorder un pouvoir de décision à une personne au hasard dans un groupe. Lorsque l’enjeu est faible.

Et pourquoi pas tester cette pratique et choisir le décideur du jour par un vote ou un tirage au sort. Du moment que c’est tournant et que ça nous permet d’apprendre des choses.

Si vous vous demandez à quel moment choisir tel ou tel protocole, testez-les, apprenez de ces protocoles, jouez avec.
Si vous êtes dans un contexte où c’est encore le manager qui décide de tout et que vous aimeriez donner plus de pouvoirs aux équipes, listez les types de décision que votre équipe doit régulièrement prendre et discutez-en avec le manager au travers des 7 niveaux de délégation.

Ils en parlent très bien aussi :
http://andwhatif.fr/2018/01/protocoles-de-prise-de-decision/ + https://fr.slideshare.net/ddreptate/protocoles-de-decision-agile-grenoble
https://ajiro.fr//articles/2017-03-06-decisions_making/
(avec notamment un jeu que je n’ai pas testé pour expérimenter les différents mode de prise de décision)
https://www.qualitystreet.fr/2015/10/29/processus-de-decision-deux-exemples-qui-marchent/


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